dimanche 19 décembre 2010

Bibliothèque américaine (III)



Anciens testaments (Hemingway, Kerouac)

Evansville, Indiana, automne 2010

Hemingway m’a fait lire Huckleberry Finn, alors j’ai décidé de lire Hemingway. J’avais un assez vague souvenir du Vieil Homme et la mer, lu il y a longtemps. Le soleil se lève aussi n’a pas grand-chose en commun avec ce souvenir. Paru en 1926, ce livre, proclamé « testament de la génération perdue », a rendu son auteur célèbre. On y suit le narrateur, Jake Barnes, de Paris à l’Espagne, dans un entre-deux-guerres fait d’innombrables heures passées aux terrasses des cafés, dans les bars et les hôtels d’une Europe qui a besoin de s’amuser pour se relever.

On ne se fait pas d’illusions, dans ce roman : les corps sont abîmés, rien ne compte vraiment, et l’amour n’a aucune chance. La langue d’Hemingway est là pour le dire, avec une surprenante économie de moyens, et de nombreux dialogues presque interchangeables – quelque chose que l’on retrouve, des années plus tard et dans un autre registre, mais sûr un même fond absolument désenchanté, chez les personnages de Bret Easton Ellis.

Autre temps, autre testament : celui de la « Beat Generation », dépeinte par Jack Kerouac dans un livre dont on entend beaucoup parler mais qu’on ferait mieux de lire. Si j’avais su, en achetant Sur la route sur un trottoir de Brooklyn, ce que j’allais y trouver, je l’aurais probablement commencé plus tôt. En cinq parties de longueurs très inégales, Kerouac raconte les voyages de son héros Sal Paradise à travers l’Amérique des années 50, de New York, où il étudie, à San Francisco, où il est censé retrouver son ami Dean Moriarty, en passant par tout ce qu’il y a entre deux, et notamment Denver, la Nouvelle-Orléans, et même le Mexique, dernier grand épisode du livre.

Je ne connaissais pas Kerouac avant, et je me fiche passablement de tout ce qu’il peut y avoir d’autobiographique là-dedans (et il semble que tout le soit) – même si la genèse du livre est fascinante : commencé en 1947 et travaillé pendant dix ans, après un premier jet complet écrit en trois semaines au printemps 1951. Ce qui m’a cloué et m’a forcé à lire, c’est la dimension presque religieuse de cette écriture. Il y a ce qu’elle raconte : cette espèce de quête d’on ne sait trop quoi, la poursuite d’une autre liberté dans le Land of the Free, la recherche d’un autre bonheur sur les routes et dans les bars et au fond des lits. Et il y a la manière dont c’est raconté, dans une langue fluide et vraie, le tout propulsé par un rythme ahurissant, et qui ne faiblit jamais tout au long des 300 pages de ce roman qu’il faut absolument lire soi-même pour en prendre un peu mieux la mesure. « C’est l’histoire de l’Amérique. Tout le monde fait ce qu’il pense qu’il est censé faire. Qu’est-ce que ça fait si quelques hommes parlent fort et boivent la nuit ? »

Bruno Pellegrino

mardi 9 novembre 2010

Besoin d'Amériques


Dans une semaine paraîtra la nouvelle livraison du Passe-Muraille, No 84. Le numéro est marqué par une cohérence particulière, fondée sur une série de lectures se faisant écho à de multiples égards, autour du thème central de l'Amérique vue et vécue, fantasmée ou critiquée. Auteurs américains et européens s'y croisent...  

AU SOMMAIRE

Amériques

Jean-Stéphane Bron. Matthieu Ruf, écrivain et rédacteur économique à L'Hebdo, analyse le film du réalisateur romand consacré à la crise des subprimes, Cleveland contre Wall Street.

Annie Dillard. René Zahnd présente Les Vivants,  roman épique de la conquête de cette auteure majeure, encore trop peu connue, et Jean-Louis Kuffer rend compte d'un recueil de réflexions vertigineuses, intitulé Au présent.

Bret Easton Ellis. Bruno Pellegrino, jeune écrivain et étudiant en lettres actuellement en séjour aux USA, commente le dernier roman traduit de l'observateur aigu du cauchemar climatisé à la manière californienne, dans Suite(s) impériale(s), où l'on retrouve le protagoniste de Moins que zéro vingt ans après...

Adam Haslett. Matthieu Ruf a lu L'Intrusion, roman de la crise américaine contemporaine qui met en scène une vieille prof d'histoire et un trader aux dents longues.

Barbara  Kingsolver. Hélène Mauler, traductrice et critique, a lu Un autre monde, dernier roman paru en traduction  de la romancière et essayiste.

John Kennedy Toole. Patrick Vallon, éditeur et critique, revisite un classique pré-punk de la littérature américaine contemporaine, évoquant aussi les tribulations personnelles de l'auteur de La Conjuration des imbéciles.

Andy Warhol. Jean-François Thomas, critique spécialisé dans le domaine de la SF, décrit le roman très original de Philippe Lafitte, qui offre une seconde vie à l'illustre plasticien, débouchant sur une histoire d'amour pour le moins atypique.

Rentrée 2010

Michel Houellebecq. Antonin Moeri, écrivain et critique, revient sur La carte et le territoire, Prix Goncourt 2010 et roman-essai captivant.

Maylis de Kerangal. Jean-Louis Kuffer détaille son coup de coeur de la rentrée, pour Naissance d'un pont, prix Médicis 2010.

Douna Loup. Claude Amstutz, libraire et critique, dit tout le bien qu'il pense de L'Embrasure,  très beau premier roman de l'auteure genevoise.

Lettres romandes

Vincent Gessler. Jean-François Thomas présente un court roman âpre  et captivant d'un jeune auteur romand de science fiction, intitulé Cygnis.

Sébastien Meyer. JLK a aimé le nouveau roman du jeune auteur-éditeur, Wagner=1, qui tient de l'éducation sentimentale et fait alterner grand désarroi et rêves fous.

Antonin Moeri. JLK présente également Tam-Tam d'Eden, fresque sensible et drôle de notre drôle de société, modulée en un peu moins de vingt nouvelles.

Jean-Michel Olivier. JLK a failli détester L'Amour nègre, satire carabinée de la société mondialisée, entre Hollywood, les îles de rêve et la Suisse, puis le deuxième degré pas immédiatement évident du roman lui est apparu...

Inédits

Luisa Campanile. Comédienne et traductrice, elle nous offre deux poèmes extraits de son premier recueil, De l'eau et d'autres désirs, paru ces jours chez Samizdat.

Louis Imbert. Voyageur et reporter, il nous a confié des pages de ses carnets new-yorkais de cette année.

Sébastien Meyer. Pour notre rubrique L'Epistole, le jeune auteur adresse une lettre au Passe-Muraille d'une très belle venue existentielle et poétque

jeudi 4 novembre 2010

Bibliothèque américaine (II)


L’Amérique au long du Mississippi

Evansville, Indiana, septembre 2010

« Toute la littérature américaine moderne provient d’un livre de Mark Twain intitulé Huckleberry Finn. […] Il n’y avait rien avant. Il n’y a rien eu depuis » : c’est ce qu’écrivait, en 1935, un certain Ernest Hemingway, dans son livre Les vertes collines d’Afrique. J’ai pensé que c’était un bon début à mon exploration de la littérature américaine. J’ai donc acheté Huckleberry Finn (publié en 1885) en arrivant à New York, et je l’ai lu durant tout mon voyage sur la Côte Est, en Floride, puis à la Nouvelle-Orléans et le long du Mississippi, jusqu’en Indiana – autant dire, pour ces dernières étapes, sur les lieux de l’histoire, mais à l’envers.

Huckleberry est un garçon de douze ans qui un jour décide de fuir son fou de père et son Missouri natal. Il imagine un stratagème pour faire croire qu’on l’a assassiné, et il part dans les bois. Là, il retrouve Jim, un esclave qui, lui aussi, s’est enfui. Ensemble, ils vont descendre le Mississippi sur un radeau, rencontrant sur leur chemin de nombreuses aventures, manquant d’être pris, blessé ou tué nombre de fois, mais finissant toujours par retomber sur leurs pattes.

Qu’y a-t-il de si particulièrement américain là-dedans ? D’abord la langue. Ainsi que l’explique l’auteur dans une note : « Dans ce livre, de nombreux dialectes sont utilisés […]. Les nuances n’ont pas été faites n’importe comment, ou au petit bonheur, mais méticuleusement, et avec les conseils fiables et le support d’une familiarité personnelle avec ces manières de parler. J’explique ceci pour la raison que sans ça, de nombreux lecteurs supposeraient que tous ces personnages essaient de parler de la même façon sans y parvenir. »

Raconté à la première personne, le roman fait la part belle au dialogue, et il faut lire certains passages à voix haute pour donner tout son sens à cette oralité littéraire. Huckleberry parle comme il pense, sans se soucier de la norme, et ceci se retrouve largement dans la littérature américaine (deux exemples parmi bien d’autres : Holden Caulfield dans L’Attrape-cœur de Salinger, et Sal Paradise dans Sur la route de Kerouac). Quant aux thèmes – quête de la liberté et de l’indépendance, nature sauvage et grands espaces, esclavage –, ils trouvent une résonnance particulière dans l’histoire des États-Unis, de la Déclaration d’indépendance de 1776 à la guerre de Sécession (1861-1865).

Un roman américain, donc, peut-être le premier – le premier en tout cas à s’approprier pareillement la langue anglaise (même si Poe, Hawthorne, Melville…). Mais « rien eu depuis », vraiment ?...

Bruno Pellegrino

Le scribe du Petit-Mont


 
Hommage à Georges Haldas, 
qui vient de nous quitter à l'âge de 93 ans.
à lire aussi sur Les Carnets de JLK
Le Scribe du Petit-Mont de Frédéric Rauss
Ce passage magnifique de votre livre A la recherche du rameau d’or:
“Choses que j’ai aimées. Que j’aime encore. A n’en plus finir, je vous dirai. Jusqu’à ce que tombe la plume de mes mains. Et qu’un jour de pluie ou pas de pluie, un homme, jeune encore, la reprenne. Pour dire, contre le mensonge, et l’imposture; contre les faux ordres du monde; contre le cynisme et la dégradation; et comme du fond des catacombes où se cachent tout amour, toute graine, les choses que lui aussi a aimées: l’amour, si douloureux soit-il. Et l’amitié. La confiance. Le merle. Une averse.
Et ainsi de suite.”

Cette plume, Cher Georges, elle est belle comme les ailes qu’on voit se déployer dans le dos des anges de Fra Angelico: arc-en-ciel. Et elle n’est pas d’une pureté factice - vous n’en auriez pas voulu, trop conscient que vous êtes de toute la boue qui entoure le coeur humain. Vous l’avez généreusement partagée, et je fais partie de ceux qui ont la chance de faire un bout de chemin avec vous. Vous m’avez même offert une de ces plumes, petite, pour que je ne m’en sente pas indigne. Au cours de nos innombrables rendez-vous, vous m’avez appris à m’en servir, sans jamais chercher à m’enseigner, ce qui aurait été une entrave à ma liberté, mais avec une qualité que je place aujourd’hui par-dessus toutes: la bienveillance. Notre rencontre fut un petit miracle. Vos écrits, et plus encore votre présence, ont participé à la fécondation de ce que j’ai de plus cher: un amour immodéré du quotidien. La cosse a tôt craqué. Et j’ai compris, instinctivement, qu’il n’y avait pas de grâce plus grande qui pouvait nous être faite que ce quotidien, qui est la seule réalité, mobilise toutes mes forces, et les nourrit. Aujourd’hui, rien ne pourrait venir m’arracher cette petite plume sans m’ôter ce que j’ai de plus précieux, tant elle est devenue mienne, colorée de toutes mes expériences et mes émotions. Je n’ai pas l’envergure d’un albatros marin. Chaque jour le merle me défie et me rappelle mes manquements. Mais qu’importe. Tout est là, à portée de main. Et grâce à cet art de l’attention inspirée qui est le vôtre, j’apprends au fil des heures et des jours à me connaître. Je sais lorsque je sonne faux, j’ai pleinement conscience de mes dérobades ou de mes forfanteries.

Parmi les moments que j’aime entre tous, il y a nos lectures. Les poèmes de Baudelaire par exemple, comme La Servante au grand coeur, “La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,/ Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,/Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.”... Pendant que je les lis, je vous entends réciter pour vous-même, à voix basse, en me précédent, ces vers que vous aimez tant et que vous connaissez par coeur, c’est-à-dire à travers le coeur, qui est votre mémoire, prodigieuse. Je vous connais assez, Cher Georges, pour savoir choisir les livres que je prends avec moi dans ma besace pour monter au Petit-Mont, où une fontaine qui vous est dédiée poursuit son murmure ininterrompu, nonchalante d’être visitée. Je convie Bernanos dont je vous lis la préface des Grands cimetières sous la lune, en sirotant un délicieux verre de Samos que C., toujours si discrète et attentionnée, aura pris soin de nous préparer, avec quelques tartines- et dont j’abuserai, mais en votre compagnie, rien n’est de trop:

“J’écris dans les salles de cafés ainsi que j’écrivais jadis dans les wagons de chemins de fer, pour ne pas être dupe de créatures imaginaires, pour retrouver, d’un regard jeté sur l’inconnu qui passe, la juste mesure de joie ou la douleur. Non, je ne suis pas un écrivain”. (Georges Bernanos, préface aux Grands Cimetières sous la lune).

Ou alors ce sera l’ami Fargue, le poète protecteur de tous les chroniqueurs qui s’essaient à l’art du “moment intellectif”, et à côté duquel vous estimez écrire comme un sous-chef de gare. Je vous ai lu l’intégralité de Poisons, dans lequel il relate son amour des cafés, ce microcosme dans lequel vous avez écrit toute votre vie, comme un vigile, au coeur de tous, absorbant les énergies et les échos du monde tout en étant appliqué à votre tâche - rien à voir avec un voyeurisme primaire, ce sont les énergies bien plus que les mots que vous captiez, ce qu’elles révèlent à l’insu de ceux qui en sont porteurs. Vous m’écoutiez avec la concentration vive qui vous caractérise:

“Citerais-je tous les bistros où il me fut donné d’être jeune et heureux, entouré de camarades, de pensées consolantes ou d’épaules de demoiselles?” (Léon-Paul Fargue, Poisons)

Après un beau passage, nous restons silencieux quelques instants, savourant la justesse du texte, avant que vous me regardiez en me lançant:

- Pas mal, hein?

Et je vous accompagnerai dans le jardin, pour fumer un cigare et parler de ce qui fonde nos vies. Vous m’écouterez. Parfois une expression sur votre visage me dira où ça coince avant que vous ne me suggériez que par là, peut-être, l’effort serait vain:

- Prendre acte, et vivre autrement. Tout est là.

Oui, tout est là. Et j’ai compris qu’il n’est pas nécessaire de gaspiller son temps à vouloir avoir raison. “L’homme est une forêt profonde”, comme l’écrivait Tchekhov, que vous aimez tant, trop profonde, pour vouloir l’éclairer avec notre lampe de poche frontale. Il ne s’agit pas d’argumenter, mais bien plus de témoigner de ce qu’on sent et de ce qu’on vit. Afin que d’autres puissent s’en inspirer. En ayant comme haute exigence d’être fidèle à soi-même, on a une chance de pouvoir devenir un terreau de partage pour des femmes et des hommes, jeunes ou moins jeunes - peu importe, en quête eux aussi d’un peu plus d’authenticité, voire même de vérité, mais je répugne à utiliser ce mot un peu gros et par trop usurpé. C’est en faisant fond sur notre singularité qu’on parviendra, peut-être, à transmettre quelque chose de valable. A votre contact j’ai eu tôt fait de m’apercevoir que la carapace sociale s’effritait, laissant germer des questions impérieuses, comme le sens qu’on donne à sa vie, la place faite à l’autre ou encore notre attitude face à la mort. Autant de choses qui ne se révèlent qu’auprès d’êtres qui, comme vous, ont accepté de se présenter dans leur plus simple habit d’humanité, vulnérable. Ce sont eux qui nous mettent au monde. Et je m’émerveille encore de ce que vous ayez consacré toute votre vie à protéger ce qui est fragile, à votre manière, à travers la poésie. Insouciant et même étranger à toute recherche de succès ou de toute gloire. Vous, qui vous êtes fait un destin de dire le monde, ses atrocités et ses “minutes heureuses”, le paradis perdu et les morceaux épars qui nous permettent de le reconstruire. C’est la seule chose pour laquelle vous vous êtes engagé, avec une fidélité peu commune. Vous êtes l’homme de la plénitude. Et c’est certainement cela qui a séduit le tout jeune adolescent que j’étais, lors de la première conférence où il m’avait été donné de vous entendre. J’accompagnais ma mère, je ne savais pas trop pourquoi - maintenant, je sais. Je n’avais jamais entendu parler de vous. Le thème de la journée était: “Psychanalyse et vocation” - tout un programme, salle pleine, plus de cinq cents personnes. Je m’y suis ennuyé à mourir jusqu’au moment où vous avez pris la parole et là, il y eut un avant et un après. Vous m’avez captivé. Je n’avais jamais rien entendu d’aussi passionnément intéressant. Et, au fur et que vous parliez, je sentais croître en moi un peu de ce qu’on appelle une vocation, j’ai su que vous étiez en train de m’ouvrir une voie royale - et ardue, vers moi-même. J’ai d’ailleurs encore les notes que j’avais prises ce 5 novembre 1989:

La singularité de chaque être à une force incommensurable. Il n’y a pas de recettes pour traiter l’être unique.

Le livre est une chose qui est dite pour nous faire entrer dans la vie.

Si on aime quelque chose, il faut donner sa vie entière à cela et ne vivre que pour cela.

On est toujours inférieur à ce qu’on aime.

Un infime détail est porteur d’un ensemble de réponses.

Ecrire est un échec fertile.


Je n’imaginais pas alors que la parole puisse ouvrir aussi profondément notre conscience et plonger ses racines aussi loin en nous, rejoignant notre ciel intérieur. C’est ce jour-ci que la question “Que signifie être humain” a commencé à prendre tout son sens - et je ne cesse pas de me la poser.

Mais revenons au Petit-Mont où, le soir venant, je me rendais compte que trois heures avaient filé sans même que je m’en aperçoive. Il était temps que je prenne congé. Mais nous aurions pu prolonger nos conversations à n’en plus finir, parce qu’avec vous, tout fait aube. Oui, sans doute aucun, ces moments font partie des grandes heures d’ententes et d’évidence de ma vie. Comme ils le furent également chez Saïd, le café marocain qui n’existe plus, et où, pendant plus de vingt ans, vous avez travaillé avec une minutie et une vigueur rare, à de beaux livres comme Le livre des passions et des heures dans lequel vous avez su avec faire apparaître le fil d’or qui parcourt l’existence de chacun. Je venais vous retrouver à midi, et nous allions chercher un ramequin avant de nous rendre à la poste, tout en discutant à bâton rompu d’auteurs que vous m’aviez fait découvrir: Nazim Hikmet - “Etre captif, là n’est pas la question, il s’agit de ne pas se rendre”; Umberto Saba - “L’or d’allégresse dont se veine mon champ”; Antonio Machado - “Etre homme, toujours plus homme”; Cesar Vallejo - “Je souffre parce que je souffre”; Pablo Neruda - l’orgueilleux; Ramuz - dont j’aurais tant à dire; Valentin Raspoutine - Vis et n’oublie pas, quel titre; Vassili Grossman - Vie et destin, dont on ne ressort pas indemne; Pascal - que vous tenez pour le plus grand en France au côté de Baudelaire; Eugenio Corti - et son Cheval rouge, un maître livre; Milos Tsernianski - Le roman de Londres et cette scène d’une tendresse particulière où la bien-aimée du protagoniste lui ferme les boutons de sa veste avant qu’il s’en aille; la Bible bien sûr - “Chaque jour un passage et notez ceux qui rejoignent votre propre vécu”. Et bien d’autres encore, que je n’oublie pas. Vous me disiez:

- Vous ne l’avez pas lu? (Evidemment, je ne l’ avais pas lu...) Alors lisez-le pour la prochaine fois et venez me dire ce que vous en avez pensé.

Nous nous quittions sur la grande Plaine ou ailleurs, et je vous regardais vous éloigner, votre sac sur l’épaule, le cigare dans la bouche, rejoindre votre labeur comme un mineur qui travaille dans les catacombes de l’être, au sein de ce que je n’ai pu appeler autrement que le royaume familier. Vous êtes un paysan du ciel, pour reprendre le titre d’un de vos carnets de l’état de poésie. Votre savoir, immense, est tout entier au service de ces trésors infimes que vous cultivez avec patience et soin. Pour ma part, je filais à la librairie Le Rameau d’or, qui porte si bien son nom, me procurer les ouvrages, le regard clair et le coeur palpitant de toutes ces choses que vous aviez illuminées. Avant de revenir vous voir un peu ballot, parce que je n’avais rien compris au passage du Grand Inquisiteur de Dostoïevski. Mais jamais vous ne m’avez jugé, au contraire, vous appeliez Lydia, la charmante serveuse du petit café, pour lui commander trois ballons de rouge, avant d’éclairer avec clairvoyance des textes que je trouvais obscurs. Vous pointiez les lignes de force à partir desquelles le sens de l’oeuvre se révélait - vous auriez fait un formidable commentateur.

Laissez-moi encore vous dire toute ma gratitude pour cette porte que vous ne m’avez jamais fermée, ni à moi ni aux amis que j’emmenais parfois. Il me suffisait de téléphoner et alors se produisait un petit rituel dont je me souviens très bien. Le patron du café ou un serveur vous appelait, “Monsieur Haldas, c’est pour vous” - il y avait presque plus d’appels pour vous que pour les réservations, et, au moment où je m’annonçais, je vous entendais répondre avec une chaleur tonique:

- Eh! Comment allez-vous? Mais oui, venez, attendez, je prends mon agenda.

Que de souvenirs! Même si j’ai l’impression de trahir par ces lignes ce que j’ai pu ressentir. Il me semble impossible de rendre compte de ces moments si précieux. Plus encore de relater ce qui fut dit, qui compose une mosaïque intime dont les éléments sont venus étoiler ma propre substance psychique, comme toute rencontre véritable. De même que je serais incapable de parler théoriquement de vos textes, d’en faire un “essai” composé de lettre morte. Tout ceci est organique, et je ne peux en témoigner, à mon tour, que par ma manière d’être et mes propres chroniques. Dans lesquelles vous êtes bien souvent convié et dont vous serez toujours un hôte privilégié, en toute fraternité. Votre couvert est mis, Cher Georges. Venez prendre place à ma table d’écriture quand il vous plaira.

Frédéric Rauss
paru sur le blog Chroniques de Merlines le 21.08.2010

jeudi 9 septembre 2010

Une rentrée américaine


John Kennedy Toole, Annie Dillard, Barbara Kingsolver, Adam Haslett, Salvatore Scibona, Raymond Carver, Bret Easton Ellis, Thomas Pynchon et Philip Roth seront au sommaire de notre livraison d’automne.

La prochaine livraison du Passe-Muraille, fin octobre, sera consacrée en bonne partie à des auteurs américains de premier rang dont ont paru, ces derniers temps, de nouveaux livres en traduction.

Dans la première moitié de l’année, deux romans importants ont déjà retenu notre attention : il s’agit, d’une part, d’une vaste chronique romanesque de la conquête, intitulée Les Vivants et signée Annie Dillard ; et, d’autre part, d’un roman constituant une analyse magistrale de la crise américaine actuelle, paru sous le titre d’Intrusion et qui a confirmé le grand talent d’Adam Haslett après un premier recueil de nouvelles déjà très remarqué.

Les deux romans, de tonalités très différentes, illustrent du moins la double capacité de la littérature américaine de « sentir ses racines », avec un esprit critique proportionné à l’amour de l’auteur pour son pays, et de confronter, au passé, le présent dans sa réalité brutale et contrastée.

Avant Adam Haslett, Bret Easton Ellis a développé l’observation la plus aiguë sur une partie de la société américaine aisée et plus ou moins déliquescente, plus précisément sur la jeunesse dorée et paumée des années 80-90. Après les nouvelles de Zombies, un roman, Moins que zéro, lui valut le statut d’auteur-phare de toute une génération. Or, vingt ans plus tard, l’auteur fait revivre son protagoniste avec des effets de miroir tout à fait saisissants, dans des Suite(s) impériale(s) d'une lucidité toujours aussi tranchante. 

En outre, nous retrouverons d’autres ténors de la littérature la plus foisonnante et créative de ce début de siècle, avec les nouveaux romans de Thomas Pynchon, de Philip Roth et de Don DeLillo.

Enfin, un retour amont nous replongera dans une satire mémorable du Brave New World qui fit date au mitan des années 70, à savoir La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole, qui se suicida en 1979 par dépit de ne pas voir paraître son chef-d’œuvre, finalement publié en 1980, vendu à plus d’un million d’exemplaires et traduit en 18 langues...


mercredi 11 août 2010

Bibliothèque américaine (I)



À la découverte de l’Amérique

Poliez-Pittet, Suisse, été 2010


Dans son roman Tender is the Night, F. Scott Fitzgerald disait qu’en 1917 « la Suisse était une île », où « les hommes qui murmuraient dans les petits cafés de Berne et Genève pouvaient être aussi bien des marchands de diamants ou des voyageurs commerciaux ». Le regard d’un Américain sur, notamment, Zurich et la Riviera vaudoise a quelque chose de fascinant. À l’heure de partir pour une année aux États-Unis, je parcours ma petite bibliothèque américaine.

The Catcher in the Rye (L’Attrape-cœur) de J. D. Salinger est le premier roman qui me vienne en tête. Que reste-t-il à New York de la belle nuit de fugue du jeune Holden Caulfield, qui dit que certaines histoires le « tuent », qu’il est important de savoir que l’on est en train de quitter un endroit, parce que « si tu sais pas c’est encore pire », qui déprime à longueur de temps, parce que les gens ne remarquent jamais rien ? À propos de cette ville, je pense à Paul Auster, qui lui donne, dans The New York Trilogy, une teinte de roman noir, peut-être moins sombre toutefois que celle de Jonathan Safran Foer dans Extremely loud & incredibly close, où déambule le petit Oskar, neuf ans, dans le monde de l’après 11-Septembre. Il y a dans l’humour de ces pages une violence sourde qui rappelle, modulée sur un tout autre ton et avec plus d’ampleur, celle d’American Pastoral de Philip Roth, dont le Newark est le lieu où se font et se défont les illusions d’un Américain du XXe siècle, sur fond de Guerre froide : « Le vieux système qui mettait de l’ordre ne fonctionne plus. Tout ce qui restait, c’était sa peur et sa stupéfaction, que rien désormais ne dissimulait. »

Du Kansas de Truman Capote dans In Cold Blood, au Sud de William Faulkner dans Light in August ou au XIXe siècle de Toni Morrison dans Beloved, je me dis, relisant des passages du Less than zero de Bret Easton Ellis, que les Américains déambulent décidément beaucoup dans leur pays démesuré, et que c’est peut-être bien de cette manière qu’ils parviennent, d’une histoire à l’autre (quand elles ne les tuent pas), d’illusions brisées en apparences sauvées, à réinventer leur Amérique.



Bruno Pellegrino est membre du comité de rédaction du Passe-Muraille. Il prendra régulièrement la plume sur ce blog pour partager sa bibliothèque américaine qu'il constituera depuis l'Indiana, où il s'est exilé pour une année.

jeudi 5 août 2010

Conteurs d'ici et d'Outrepart

Le Passe-Muraille n°83 est arrivé!


Comme de coutume, cette livraison d'été est consacrée aux textes de création. A croquer à l'ombre des saules: un extrait du nouveau roman "noctographique" de Jean-Daniel Dupuy, et des inédits d'Antonin Moeri, Francoise Ascal, Philippe Di Maria, Louis Imbert, Vincent Yersin, Daniel Vuataz, Frédéric Rauss, Matthieu Ruf, Bruno Pellegrino et Emmanuel Pinget.
Vous êtes encore là? Bigre, mais votre kiosquier vous attend!

La chronique de Don Quichotte (III)



Le pays des libres

Land of the Free, clament-ils, Sancho, à propos de cette terre qui fut jadis si sauvage, à l'époque où nous arpentions la Manche. Or moi qui, tu le sais, ai tant voulu voir le monde, précisément porté par un élan de liberté, je jure sur l'honneur de Dulcinée que jamais je ne me suis senti moins libre que dans ces nouvelles Provinces-Unies, d'où je reviens à l'instant, y ayant lancé quelque chimérique croisade contre la cupidité de notre temps et ses traders. J'y reviens en me sentant si libre, Sancho, dans notre vieille Europe! Si libre de pouvoir compulser les grimoires des bibliothèques en y enlevant mes chausses sans qu'une cerbère des temps modernes ne vienne m'enjoindre de les remettre, sans raison, it's the rule, libre de transporter ce que je veux où je veux, de pouvoir entrer avec quiconque à peu près n'importe où, de faire un pas de côté, de grimper sur une stèle, de me tenir légérement à l'écart de la sacrosainte file des humains, sans qu'un molosse ou autre hydre ne me vienne réprimander, une personne à la fois, Sir, descendez de ce muret, Sir, restez dans la file, Sir, c'est la règle, Sir, regardez, c'est écrit là...

NdE: Le point de vue très partial de notre chroniqueur Alonso Quijano est sans doute dû à un excès de chaleur lui ayant consumé ce qui lui restait de cervelle. Afin d'atténuer quelque peu ses invectives, le blog du Passe-Muraille vous proposera sous peu une deuxième chronique intitulée Bibliothèque américaine et signées Bruno Pellegrino, en direct de l'Indiana...

vendredi 18 juin 2010

Appel aux auteurs

Après le No 82 consacré à la lecture, le prochain Passe-Muraille estival s'ouvre aux textes inédits. Nous attendons vos poèmes, nouvelles et autres fragments de récits ou de romans.

Comme chaque année, depuis la fondation du Passe-Muraille (en 1992), la livraison d'été est réservée à un aperçu de textes en chantier proposés par des auteurs romands ou francophones. Le No 83 de juillet 2010 ne fera pas exception, dont l'ouverture sera consacrée à la découverte d'un jeune auteurffrançais de grand talent, qu'on pourrait situer dans les zones poético-périphériques d'Antoine Volodine. Son nom est Jean Daniel Dupuy, il a 35 ans, est établi à Montpellier où il anime des ateliers d'écriture, s'est fait connaître avec deux premiers romans, Ministère de la pitié et Les Noces de carton, avant de publier une contre-utopie fascinante sous le titre d'  Invention des autres jours, aux éditions Attila, achevé d'imprimer le veille du 1er juin 2009, par les ouvriers luddistes de Corlet, à Condé-sur Noireau. La présentation de ce livre suivra, dans Le Passe-Muraille, un inédit intitulé Noctogrammes, et un entretien avec l'auteur.



Dans la foulée, à côté de textes déjà promis de Louis Imbert, Emmanuel Pinget, Mike Babel, Daniel Vuataz, Matthieu Ruf, Bruno Pellegrino, Slobodan Despot, Jean-Louis Kuffer et René Zahnd, nous attendons les propositions de chacune et chacun, jusqu'au lundi 28 juin 2010 au plus tard.

lundi 14 juin 2010

Les conseils d'ailleurs


Patrick J. Gyger, conservateur de la Maison d’Ailleurs, à Yverdon-les-Bains, est lui aussi un grand lecteur, qui arpente de préférence les territoires d’Outrepart. Il a bien voulu nous indiquer, cependant quelques livres intéressants pour les jeunes lecteurs.

➺ « De Ray Bradbury, je citerai d’abord les légendaires Chroniques martiennes, un recueil de nouvelles remontant aux années 40-50 et qui introduisait le futur dans la vie quotidienne de manière souvent
prémonitoire, avec une vision critique de la colonisation de Mars. Il m’a plongé dans la science-fiction quand j’étais encore enfant et m’a fait découvrir ses ressources métaphoriques. Jamais je n’ai relu ce livre, pour ne pas en altérer le souvenir. Or, le recueil lui-même fait une large place à la nostalgie… »
Ray Bradbury, Chroniques martiennes, Folio SF, Gallimard, 318 p.

➺ « Si Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke n’est pas a priori destiné au jeune public, cette histoire de deux magiciens britanniques, au début du XIXe siècle, qui tentent de raviver les pratiques de sorcellerie, n’est pas moins accessible et captivante, riche de péripéties et de rebondissements. Dans une forme qui atteint une véritable qualité littéraire, ce roman d’aventures un peu décalé nous transporte dans une Angleterre gouvernée par un roi fou, Lord Byron, et déploie une imagination qui a saisi des millions de lecteurs. »
Susanna Clarke, Jonathan Strange & Mister Norrell, Laffont, 2007, 848 p.

➺ « Dans un décor rétro-futuriste, Philip Pullman a développé, avec À la croisée des mondes, un univers dont l’originalité m’a séduit et qui fait fusionner les sphères de la science-fiction et la littérature jeunesse. Sans prendre les petits pour des idiots bien pensants, Pullman brosse une frise de personnages crédibles et touchants, dans un monde à la fois proche du nôtre et différent, où l’étrangeté et le comique cohabitent. Dans l’espace-temps d’une trilogie, on y suit deux protagonistes,
Lyra qui a 11 ans au début de l’histoire, et Will son aîné, dans une longue quête initiatique semée d’embûches et d’épreuves mais aussi de nombreux épisodes réjouissants. »
Philip Pullman, À la croisée des mondes (sous coffret, Les Royaumes du nord, La Tour des anges et Le Miroir d’ambre) Gallimard jeunesse, 2001, 1121 p.

Propos recueillis par Nasma Al'Amir

Été des mots

Le Passe-Muraille n°82 – Juin 2010 – "Passions de Sollers"



Un numéro consacré à la lecture, aux différentes approches des écrivains et de nos chroniqueurs face à celle-ci.
De nombreux conseils pour voyager dans des univers variés.
Un "Entretien" inédit avec Claudio Magris, humaniste européen.
Une "Echappée" étrange qui vous attrape par la curiosité : Le Sablier de Philippe Di Maria.






Retrouvez Le Passe-Muraille dans de nombreux kiosques d'ici à la fin de la semaine...
6.– Frs 4.– Euros





AU SOMMAIRE





GRANDS LECTEURS
Nabokov – Vila-Matas
Hesse – Liscano – Steiner
Crépu – Haldas – Piroué
ENTRETIEN
avec Claudio Magris
LETTRES ROMANDES
Ruffy – Thomas
Massard – Moeri
JEUNESSE
Sepúlveda – Ferney
Gyger
INÉDIT
Philippe Di Maria




dimanche 6 juin 2010

La chronique de Don Quichotte (II)



Sur la route de la traduction

J'en ai apprise une bien bonne, Sancho. Cet idiot de curé et ce cuistre de barbier ont déclaré sentencieusement, l'autre jour, alors qu'ils effectuaient leur habituelle visite de ma bibliothèque pour contrôler que je ne me farcisse point la tête d'histoires abracadabrantes, ils ont déclaré sentencieusement, dis-je, que mon édition de Sur la route de Jack Kerouac était obsolète. Obsolète! me suis-je offusqué, comme tu peux bien l'imaginer. Et le curé, bien conscient qu'il ne me clouerait pas le bec par la parole, d'extraire de ses robes une coupure de la Gazette de la Manche pour m'apporter la preuve de ses propos. Y figurait une recension de Sur la route, Le rouleau original. Où l'on apprend que la version française de Jacques Houbart de 1960 est une mouture édulcorée et paragraphée du fameux rouleau de 40 mètres, sur lequel ce vieux Jack lâcha la bride aux mots. Où l'on découvre, donc, la nouvelle traduction, signée Josée Kamoun chez Gallimard: exit passés simples, bonjour l'oralité d'aujourd'hui.

Sancho, tu le sais bien, nos aventures elles-mêmes ont besoin d'être retraduites tous les demi-siècles. Alors, toi qui es illettré, fais passer le message: chaussez vos bottes, amis lecteurs, et déroulez ce rouleau et donnez-moi des nouvelles de la route!

Alonso Quijano, connu également sous le nom de Don Quichotte de la Manche, est un auteur indépendant. Il prend régulièrement la plume sur le blog du Passe-Muraille.

jeudi 6 mai 2010

Jeunes pousses de l'UNIL et de l'EPFL



Musique, danse, cinéma, théâtre: vitrine des créations d'étudiants d'ici et d'ailleurs, le Festival des cultures de l'Université de Lausanne et de l'Ecole polytechnique est en cours!

Le Passe-Muraille y était hier soir, incognito, pour prendre la température de ces pommes de terres nouvelles. Au menu: Terroreste, une nouvelle traduction et relecture moderne d'Oreste d'Euripide, par le Groupe de Théâtre Antique de l'Université de Neuchâtel. Où l'on y apprend que la généalogie d'Electre se résume avantageusement avec des paires de chaussures, et qu'un acteur de l'époque, pour de sombres histoires d'intonation, avait confondu "mer calme" et "belette". Splendide!

Terroreste a hélas vogué vers Istanbul, mais il reste, entre autres, du Shakespeare en version originale, des courts-métrages et DJ Munchee pour bien mâcher vos féculents lors de la soirée de clôture. Bon appétit!

Lausanne, Dorigny, jusqu'au 12 mai.

vendredi 23 avril 2010

La chronique de Don Quichotte (I)



Lire ou ne pas lire, telle n'est pas la question

Ah! Sancho, si tu étais à mes côtés, en ce moment, tu te demanderais qui est le plus fou des deux: ton vieux maître ou le monde. Je sais que je ferais mieux de me taire, puisque on me croit mort; d'ailleurs ne célèbre-t-on pas, aujourd'hui, les trois cent nonante-quatre ans de l'enterrement de mon créateur? Oui, le vieux Cervantes mourut le 22 avril 1616, et fut enterré le 23. Je m'en souviens comme si c'était hier. Chose étrange, quelqu'un eut, depuis, la brillante idée de faire de cette date la Journée mondiale du livre. Entends-tu, Sancho? Du livre. C'était bien commode. Notre pauvre Miguel mort depuis tant d'années, on évitait ainsi de lui demander son avis. Personne ne se doutait, sans doute, que je serais encore là, moi, pour pourfendre l'injustice, redresser les torts, et décontenancer les falots de quelque rodomontade bien sentie.
Sache, Sancho, qu'il n'est en ce monde chose plus étrange que de décréter Journée mondiale du livre celle qui vit disparaître mon – que dis-je, notre – créateur six pieds sous terre. Le livre, un enterrement? Le livre n'est pas une mort, et il n'est pas un seul jour. Regarde autour de toi, Sancho! Voilà les peuples d'Europe cloués au sol une semaine durant. Ils pestent, s'entassent, se résignent ou trépignent, s'avachissent sur des valises. Ils sortent scruter le ciel: rien. De l'azur à perte de vue. Ils croient voir des cendres, ce n'est que de la brume. Une légère brise, qui leur semble murmurer ce nom: Eyjafjallajökull...
Sancho, as-tu jamais entendu nom plus livresque? Histoire plus chevaleresque? Décidément, tu as raison, je dois etre fou à lier. Qu'on m'attache, alors, car j'ai beau plisser des yeux: tout ce que touche mon regard est à lire...


Alonso Quijano, connu également sous le nom de Don Quichotte de la Manche, est un auteur indépendant. Il prendra régulièrement la plume sur le blog du Passe-Muraille.

A ne pas manquer:: le numéro 82 du Passe-Muraille, prévu pour la fin mai, sera entièrement dédié à la lecture.

Pierre Michon à la BCU



La bibliothèque idéale de l'auteur des Vies minuscules

Comptant au nombre des plus fins prosateurs en langue française du moment, Pierre Michon sera de passage en nos murs vendredi soir, invité de la Bibliothèque cantonale et universitaire (BCU) qui fête, par la même occasion, la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. En outre, c’est dans le cadre du cycle (cette expression, le « cadre du cycle », devrait ravir Michon !) consacré à la Bibliothèque idéale que l’auteur des fameuses Vies minuscules évoquera la sienne, après Alberto Manguel (en 2005) et François Bon (en 2008).
Dans un ouvrage récent consacré à Pierre Michon, assorti d’un CD regroupant divers entretiens intéressants (éditions textuel/INA), Agnès Castiglione affirme, en exagérant peut-être un tantinet, que Michon est « l’écrivain de sa génération le plus reconnu par la critique ». Or le fait est que, sans impact notable sur le grand public, si l’on excepte le recueil « culte » des Vies minuscules (disponible en poche), l’auteur de La Grande Beune, d’un mémorable Rimbaud le fils et, l’an dernier, de la merveilleuse évocation d’un tableau du Louvre inventé de toutes pièces (Les Onze, couronné par le Grand Prix du roman de l'Académie française), incarne par excellence le styliste de haut vol, poète et prosateur, qu’on appelait jadis « petit maître » sans intention péjorative. Pratiquant l’érudition joyeuse et tirant mille saveurs des mots, Pierre Michon ne manquera pas d’attirer ce soir une foule choisie de lecteurs impatients de le suivre dans les rayons de sa bibliothèque.

Lausanne, BCU, Aula du Palais de Rumine, à 19h.

vendredi 9 avril 2010

Printemps des mots



Le Passe-Muraille du printemps est disponible!

Dans ce numéro 81, vous trouverez, entre autres, un inédit de Rose-Marie Pagnard ; un éventail des lettres romandes avec les critiques des nouveaux livres de Catherine Lovey, Raphaël Aubert, Pascal Rebetez et Gérard Delaloye ; mais aussi des plongées, en pleines pages, dans Jean Vuillemier, Céline et J.G. Ballard . Sans oublier notre page littérature jeunesse et une épistole envoyée du fin fond du Pacifique, d'une île où les logeuses ressemblent à des Yetis et où l'on a vraiment "tout le temps"... signée Damien Personnaz .

Retrouvez en outre, dès le 1er mai, des chroniques régulières à découvrir sur ce blog. D'ici là bon vent de printemps...

dimanche 14 février 2010

Le Passe-Muraille n°81

Chers Lecteurs,

Toute l'équipe du Passe-Muraille vous transmet ses amitiés en préparant le prochain numéro du Passe-Muraille pour début avril.