mercredi 11 août 2010

Bibliothèque américaine (I)



À la découverte de l’Amérique

Poliez-Pittet, Suisse, été 2010


Dans son roman Tender is the Night, F. Scott Fitzgerald disait qu’en 1917 « la Suisse était une île », où « les hommes qui murmuraient dans les petits cafés de Berne et Genève pouvaient être aussi bien des marchands de diamants ou des voyageurs commerciaux ». Le regard d’un Américain sur, notamment, Zurich et la Riviera vaudoise a quelque chose de fascinant. À l’heure de partir pour une année aux États-Unis, je parcours ma petite bibliothèque américaine.

The Catcher in the Rye (L’Attrape-cœur) de J. D. Salinger est le premier roman qui me vienne en tête. Que reste-t-il à New York de la belle nuit de fugue du jeune Holden Caulfield, qui dit que certaines histoires le « tuent », qu’il est important de savoir que l’on est en train de quitter un endroit, parce que « si tu sais pas c’est encore pire », qui déprime à longueur de temps, parce que les gens ne remarquent jamais rien ? À propos de cette ville, je pense à Paul Auster, qui lui donne, dans The New York Trilogy, une teinte de roman noir, peut-être moins sombre toutefois que celle de Jonathan Safran Foer dans Extremely loud & incredibly close, où déambule le petit Oskar, neuf ans, dans le monde de l’après 11-Septembre. Il y a dans l’humour de ces pages une violence sourde qui rappelle, modulée sur un tout autre ton et avec plus d’ampleur, celle d’American Pastoral de Philip Roth, dont le Newark est le lieu où se font et se défont les illusions d’un Américain du XXe siècle, sur fond de Guerre froide : « Le vieux système qui mettait de l’ordre ne fonctionne plus. Tout ce qui restait, c’était sa peur et sa stupéfaction, que rien désormais ne dissimulait. »

Du Kansas de Truman Capote dans In Cold Blood, au Sud de William Faulkner dans Light in August ou au XIXe siècle de Toni Morrison dans Beloved, je me dis, relisant des passages du Less than zero de Bret Easton Ellis, que les Américains déambulent décidément beaucoup dans leur pays démesuré, et que c’est peut-être bien de cette manière qu’ils parviennent, d’une histoire à l’autre (quand elles ne les tuent pas), d’illusions brisées en apparences sauvées, à réinventer leur Amérique.



Bruno Pellegrino est membre du comité de rédaction du Passe-Muraille. Il prendra régulièrement la plume sur ce blog pour partager sa bibliothèque américaine qu'il constituera depuis l'Indiana, où il s'est exilé pour une année.

jeudi 5 août 2010

Conteurs d'ici et d'Outrepart

Le Passe-Muraille n°83 est arrivé!


Comme de coutume, cette livraison d'été est consacrée aux textes de création. A croquer à l'ombre des saules: un extrait du nouveau roman "noctographique" de Jean-Daniel Dupuy, et des inédits d'Antonin Moeri, Francoise Ascal, Philippe Di Maria, Louis Imbert, Vincent Yersin, Daniel Vuataz, Frédéric Rauss, Matthieu Ruf, Bruno Pellegrino et Emmanuel Pinget.
Vous êtes encore là? Bigre, mais votre kiosquier vous attend!

La chronique de Don Quichotte (III)



Le pays des libres

Land of the Free, clament-ils, Sancho, à propos de cette terre qui fut jadis si sauvage, à l'époque où nous arpentions la Manche. Or moi qui, tu le sais, ai tant voulu voir le monde, précisément porté par un élan de liberté, je jure sur l'honneur de Dulcinée que jamais je ne me suis senti moins libre que dans ces nouvelles Provinces-Unies, d'où je reviens à l'instant, y ayant lancé quelque chimérique croisade contre la cupidité de notre temps et ses traders. J'y reviens en me sentant si libre, Sancho, dans notre vieille Europe! Si libre de pouvoir compulser les grimoires des bibliothèques en y enlevant mes chausses sans qu'une cerbère des temps modernes ne vienne m'enjoindre de les remettre, sans raison, it's the rule, libre de transporter ce que je veux où je veux, de pouvoir entrer avec quiconque à peu près n'importe où, de faire un pas de côté, de grimper sur une stèle, de me tenir légérement à l'écart de la sacrosainte file des humains, sans qu'un molosse ou autre hydre ne me vienne réprimander, une personne à la fois, Sir, descendez de ce muret, Sir, restez dans la file, Sir, c'est la règle, Sir, regardez, c'est écrit là...

NdE: Le point de vue très partial de notre chroniqueur Alonso Quijano est sans doute dû à un excès de chaleur lui ayant consumé ce qui lui restait de cervelle. Afin d'atténuer quelque peu ses invectives, le blog du Passe-Muraille vous proposera sous peu une deuxième chronique intitulée Bibliothèque américaine et signées Bruno Pellegrino, en direct de l'Indiana...