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jeudi 5 août 2010

La chronique de Don Quichotte (III)



Le pays des libres

Land of the Free, clament-ils, Sancho, à propos de cette terre qui fut jadis si sauvage, à l'époque où nous arpentions la Manche. Or moi qui, tu le sais, ai tant voulu voir le monde, précisément porté par un élan de liberté, je jure sur l'honneur de Dulcinée que jamais je ne me suis senti moins libre que dans ces nouvelles Provinces-Unies, d'où je reviens à l'instant, y ayant lancé quelque chimérique croisade contre la cupidité de notre temps et ses traders. J'y reviens en me sentant si libre, Sancho, dans notre vieille Europe! Si libre de pouvoir compulser les grimoires des bibliothèques en y enlevant mes chausses sans qu'une cerbère des temps modernes ne vienne m'enjoindre de les remettre, sans raison, it's the rule, libre de transporter ce que je veux où je veux, de pouvoir entrer avec quiconque à peu près n'importe où, de faire un pas de côté, de grimper sur une stèle, de me tenir légérement à l'écart de la sacrosainte file des humains, sans qu'un molosse ou autre hydre ne me vienne réprimander, une personne à la fois, Sir, descendez de ce muret, Sir, restez dans la file, Sir, c'est la règle, Sir, regardez, c'est écrit là...

NdE: Le point de vue très partial de notre chroniqueur Alonso Quijano est sans doute dû à un excès de chaleur lui ayant consumé ce qui lui restait de cervelle. Afin d'atténuer quelque peu ses invectives, le blog du Passe-Muraille vous proposera sous peu une deuxième chronique intitulée Bibliothèque américaine et signées Bruno Pellegrino, en direct de l'Indiana...

dimanche 6 juin 2010

La chronique de Don Quichotte (II)



Sur la route de la traduction

J'en ai apprise une bien bonne, Sancho. Cet idiot de curé et ce cuistre de barbier ont déclaré sentencieusement, l'autre jour, alors qu'ils effectuaient leur habituelle visite de ma bibliothèque pour contrôler que je ne me farcisse point la tête d'histoires abracadabrantes, ils ont déclaré sentencieusement, dis-je, que mon édition de Sur la route de Jack Kerouac était obsolète. Obsolète! me suis-je offusqué, comme tu peux bien l'imaginer. Et le curé, bien conscient qu'il ne me clouerait pas le bec par la parole, d'extraire de ses robes une coupure de la Gazette de la Manche pour m'apporter la preuve de ses propos. Y figurait une recension de Sur la route, Le rouleau original. Où l'on apprend que la version française de Jacques Houbart de 1960 est une mouture édulcorée et paragraphée du fameux rouleau de 40 mètres, sur lequel ce vieux Jack lâcha la bride aux mots. Où l'on découvre, donc, la nouvelle traduction, signée Josée Kamoun chez Gallimard: exit passés simples, bonjour l'oralité d'aujourd'hui.

Sancho, tu le sais bien, nos aventures elles-mêmes ont besoin d'être retraduites tous les demi-siècles. Alors, toi qui es illettré, fais passer le message: chaussez vos bottes, amis lecteurs, et déroulez ce rouleau et donnez-moi des nouvelles de la route!

Alonso Quijano, connu également sous le nom de Don Quichotte de la Manche, est un auteur indépendant. Il prend régulièrement la plume sur le blog du Passe-Muraille.

vendredi 23 avril 2010

La chronique de Don Quichotte (I)



Lire ou ne pas lire, telle n'est pas la question

Ah! Sancho, si tu étais à mes côtés, en ce moment, tu te demanderais qui est le plus fou des deux: ton vieux maître ou le monde. Je sais que je ferais mieux de me taire, puisque on me croit mort; d'ailleurs ne célèbre-t-on pas, aujourd'hui, les trois cent nonante-quatre ans de l'enterrement de mon créateur? Oui, le vieux Cervantes mourut le 22 avril 1616, et fut enterré le 23. Je m'en souviens comme si c'était hier. Chose étrange, quelqu'un eut, depuis, la brillante idée de faire de cette date la Journée mondiale du livre. Entends-tu, Sancho? Du livre. C'était bien commode. Notre pauvre Miguel mort depuis tant d'années, on évitait ainsi de lui demander son avis. Personne ne se doutait, sans doute, que je serais encore là, moi, pour pourfendre l'injustice, redresser les torts, et décontenancer les falots de quelque rodomontade bien sentie.
Sache, Sancho, qu'il n'est en ce monde chose plus étrange que de décréter Journée mondiale du livre celle qui vit disparaître mon – que dis-je, notre – créateur six pieds sous terre. Le livre, un enterrement? Le livre n'est pas une mort, et il n'est pas un seul jour. Regarde autour de toi, Sancho! Voilà les peuples d'Europe cloués au sol une semaine durant. Ils pestent, s'entassent, se résignent ou trépignent, s'avachissent sur des valises. Ils sortent scruter le ciel: rien. De l'azur à perte de vue. Ils croient voir des cendres, ce n'est que de la brume. Une légère brise, qui leur semble murmurer ce nom: Eyjafjallajökull...
Sancho, as-tu jamais entendu nom plus livresque? Histoire plus chevaleresque? Décidément, tu as raison, je dois etre fou à lier. Qu'on m'attache, alors, car j'ai beau plisser des yeux: tout ce que touche mon regard est à lire...


Alonso Quijano, connu également sous le nom de Don Quichotte de la Manche, est un auteur indépendant. Il prendra régulièrement la plume sur le blog du Passe-Muraille.

A ne pas manquer:: le numéro 82 du Passe-Muraille, prévu pour la fin mai, sera entièrement dédié à la lecture.