jeudi 4 novembre 2010

Bibliothèque américaine (II)


L’Amérique au long du Mississippi

Evansville, Indiana, septembre 2010

« Toute la littérature américaine moderne provient d’un livre de Mark Twain intitulé Huckleberry Finn. […] Il n’y avait rien avant. Il n’y a rien eu depuis » : c’est ce qu’écrivait, en 1935, un certain Ernest Hemingway, dans son livre Les vertes collines d’Afrique. J’ai pensé que c’était un bon début à mon exploration de la littérature américaine. J’ai donc acheté Huckleberry Finn (publié en 1885) en arrivant à New York, et je l’ai lu durant tout mon voyage sur la Côte Est, en Floride, puis à la Nouvelle-Orléans et le long du Mississippi, jusqu’en Indiana – autant dire, pour ces dernières étapes, sur les lieux de l’histoire, mais à l’envers.

Huckleberry est un garçon de douze ans qui un jour décide de fuir son fou de père et son Missouri natal. Il imagine un stratagème pour faire croire qu’on l’a assassiné, et il part dans les bois. Là, il retrouve Jim, un esclave qui, lui aussi, s’est enfui. Ensemble, ils vont descendre le Mississippi sur un radeau, rencontrant sur leur chemin de nombreuses aventures, manquant d’être pris, blessé ou tué nombre de fois, mais finissant toujours par retomber sur leurs pattes.

Qu’y a-t-il de si particulièrement américain là-dedans ? D’abord la langue. Ainsi que l’explique l’auteur dans une note : « Dans ce livre, de nombreux dialectes sont utilisés […]. Les nuances n’ont pas été faites n’importe comment, ou au petit bonheur, mais méticuleusement, et avec les conseils fiables et le support d’une familiarité personnelle avec ces manières de parler. J’explique ceci pour la raison que sans ça, de nombreux lecteurs supposeraient que tous ces personnages essaient de parler de la même façon sans y parvenir. »

Raconté à la première personne, le roman fait la part belle au dialogue, et il faut lire certains passages à voix haute pour donner tout son sens à cette oralité littéraire. Huckleberry parle comme il pense, sans se soucier de la norme, et ceci se retrouve largement dans la littérature américaine (deux exemples parmi bien d’autres : Holden Caulfield dans L’Attrape-cœur de Salinger, et Sal Paradise dans Sur la route de Kerouac). Quant aux thèmes – quête de la liberté et de l’indépendance, nature sauvage et grands espaces, esclavage –, ils trouvent une résonnance particulière dans l’histoire des États-Unis, de la Déclaration d’indépendance de 1776 à la guerre de Sécession (1861-1865).

Un roman américain, donc, peut-être le premier – le premier en tout cas à s’approprier pareillement la langue anglaise (même si Poe, Hawthorne, Melville…). Mais « rien eu depuis », vraiment ?...

Bruno Pellegrino

1 commentaire:

  1. Cher vieux, je t'envie d'avoir tout à découvrir. Et de partir de ce livre mythique en v.o. Cela nous manque quand même terriblement la v.o. J'ai essayé de lire l'an dernier The Road, après avoir lu La Route, et tout de suite je me suis rendu compte que The Road était presque un autre livre que La Route, tant la musique de la langue de McCarthy est physiquement et poétiquement autre chose que celle de son traducteur, si méritant fût-il. Mais je n'ai pas eu la patience de lire The Road comme je l'aurais dû,tant il me manquait de mots à chaque page. En revanche j'ai lu le dernier Bret Easton Ellis en v.o. et là ça me reste accessible, mais tu me dira squ eje n'y ai guère de mérite...
    Donc lire Mark Twain en américain dans le texte, et demain Thomas Wolfe, Faulkner, Dos Passos, tous poètes de la langue,vraiment je t'envie...

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